La maison ou clos Saint-Lazare (XIIe-XVIIIe siècles)
Le clos Saint-Lazare au début du règne de Louis XVI, d’après le plan de Jaillot
Au XIIe siècle, une communauté religieuse, fondée le long de la route de Paris à Saint-Denis, à la limite de la zone marécageuse de l’ancien lit de la Seine, s’occupait d’une léproserie invoquant saint Lazare, patron des lépreux.
Au XVe siècle, les chanoines de Saint-Victor s’y installèrent. Bénéficiant de la protection royale, ils reçurent l’autorisation d’ouvrir une foire dans l’enclos Saint-Laurent, mitoyen de Saint-Lazare, d’établir un aqueduc dont les eaux, provenant du Pré-Saint-Gervais et du versant nord-est de la colline de Belleville, alimentèrent les premières fontaines parisiennes.
Le clos Saint-Lazare renfermait également un moulin, une ferme et une église. Le plan de Jaillot (1775-1778) situe précisément l’église et les bâtiments sur la rue du Faubourg-Saint-Denis, à droite ; le jardin aménagé le long de la rue de Paradis, juste en-dessous ; et le vaste enclos constitué de maraîchers, délimité, à gauche, par la rue Sainte-Anne (tronçon de l’actuel boulevard du Faubourg-Poissonnière).
Le passage de la Ferme Saint-Lazare
Dans le Paris d’aujourd’hui, deux voies perpendiculaires évoquent encore la ferme de la maison Saint-Lazare : le passage et la Cour de la Ferme Saint-Lazare. Le passage, probablement postérieur à 1868, permit de relier la rue de Chabrol, que l’on avait percée en 1822 sur l’emprise du Grand Enclos, à l’actuelle Cour, unique « vestige » de l’ancienne Ferme Saint-Lazare.
Plaque de rue – Cour de la Ferme Saint-Lazare
Cette « cour » -en fait, une ruelle- débute au boulevard de Magenta, longe le poste de la Compagnie parisienne de distribution d’électricité, bâti en béton armé vers 1924-26, et s’achève en impasse, à hauteur de la cité de Chabrol.
Au XVIIe siècle, la maison Saint-Lazare revint à Vincent de Paul et aux prêtres de la mission Saint-Lazare ou lazaristes. De nombreux agrandissements furent engagés : une prison pour les « fils de famille », une dépendance, appelée maison ou séminaire Saint-Charles, destinée aux prêtres convalescents, un hospice dit des Treize-Maisons, pour loger les orphelins, un hospice de vieillard dit du Saint-Nom-de-Jésus. Au début du XVIIIe siècle, la construction de plusieurs bâtiments le long du faubourg Saint-Denis permit de loger des séculiers.
Hubert Robert (1733-1808)
Ravitaillement des prisonniers à Saint-Lazare, vers 1794, huile sur toile, 32,5 x 41 cm, Paris, musée Carnavalet
Mise à sac en 1789, la maison Saint-Lazare devint une prison sous la Terreur. Le peintre Hubert Robert, arrêté en raison de son « incivisme reconnu » et de ses « liaisons avec les aristocrates » y fut enfermé, après un bref séjour à Sainte-Pélagie. Son compagnon de captivité, Étienne-Denis Pasquier (1767-1862), lui demanda alors de peindre un petit tableau qui conserve le souvenir des femmes y distribuant le lait aux prisonniers.
Rue du Faubourg-Saint-Denis
A gauche : Vue de la prison Saint-Lazare, fin du XIXe siècle, Archives de l’A.-P. – H.-P.
A droite : La Prison Saint-Lazare, vers 1900, reproduction d’une carte postale ancienne, Paris, collection particulière
Réservée aux femmes à partir de 1794, la prison Saint-Lazare fut reconvertie en maison d’arrêt, de justice, de correction et d’éducation correctionnelle pour les jeunes filles. Dès 1802, elle s’imposa comme un lieu de contrôle sanitaire, voire d’internement des prostituées.
Cédé au Département de la Seine en 1811, l’ancienne maison religieuse, plus vaste enclos de Paris à la fin du XVIIIe siècle, fut peu à peu lotie (apparition de nouveaux quartiers d’habitation, percement de nouvelles voies, aménagement des gares du Nord et de l’Est).
Après la démolition de l’église Saint-Lazare en 1823, l’administration pénitentiaire chargea Louis-Pierre Baltard (1764-1846), architecte des prisons du Département de la Seine entre 1824 et 1834, de moderniser les lieux. Il érigea une chapelle dédiée à saint Lazare, deux bâtiments attenants et, autour du chevet de la chapelle, une infirmerie.
Au XIXe siècle, la prison Saint-Lazare comprenait trois cours principales. Derrière le guichet d’entrée, sur la rue du Faubourg-Saint-Denis, on pénétrait dans une vaste cour pavée. Au-delà d’un bâtiment transversal, s’étendait le préau des condamnées, au fond duquel se dressait la chapelle de Baltard Père.
Le jardin Saint-Lazare
La troisième cour de l’ancienne prison Saint-Lazare, désormais « jardin Saint-Lazare » de la médiathèque Françoise-Sagan
Les bâtiments de l’infirmerie, aujourd’hui reconvertie en médiathèque, formait la troisième cour de la prison Saint-Lazare, désormais réaménagée en jardin.
Le square Alban-Satragne
L’ancienne chapelle Saint-Lazare
En 1927 et 1928, le Département de la Seine décida la destruction d’une partie des bâtiments de l’ancienne prison, qui devint « maison de santé Saint-Lazare », puis service de désencombrement de l’Hôpital Lariboisière, lui-même construit en grande partie sur les terrains des maraîchers de l’ancienne maison religieuse.
Malgré les objections exprimées par la Commission du Vieux-Paris, les bâtiments compris entre la chapelle et la rue du Faubourg-Saint-Denis, furent entièrement détruits vers 1940-41. Transformée en « Hôpital Saint-Lazare », l’infirmerie ferma définitivement ses portes à la fin de l’année 1998.
Propriété de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, la chapelle et l’infirmerie se dressent aujourd’hui au fond du square Alban-Satragne, qui a remplacé cours et bâtiments. De plan pseudo-basilical, elle possède un vestibule intérieur de forme oblongue, une nef, flanquée de bas-côtés, et une abside en hémicycle, faisant saillie sur la troisième cour.
Chargé, en 1931, de remettre en état les bâtiments de Baltard, Gaston Lefol rhabilla la façade en pierre de la chapelle de briques de parement rouges. Lefol remplaça également les bâtiments latéraux, qui devaient être rasés, fit appliquer un grand blason au-dessus de la porte d’entrée et percer le fronton d’un oculus.
Le bâtiment principal de l’ancienne infirmerie, désormais médiathèque Françoise-Sagan
Les façades dépouillées des bâtiments de l’ancienne infirmerie n’ont en revanche pratiquement pas été modifiées, à l’exception du bâtiment principal, surélevé en 1874 par l’architecte Édouard-Auguste Villain. Les façades des bâtiments latéraux présentent deux niveaux d’arcades en plein cintre, surmontés d’un attique percé de fenêtres rectangulaires.
Le jardin Saint-Lazare
Le jardin Saint-Lazare, dit aussi « carré Saint-Lazare », en raison de son plan quadrangulaire, est inspiré des cloîtres méditerranéens, avec palmiers, arbustes et herbacées. Des allées découpées, délimitées de bordures irrégulières pouvant servir de reposoirs, traversent les parterres du jardin.
Le jardin « Saint-Lazare », vu depuis la rue Léon-Schwartzenberg
La réhabilitation de l’ancienne infirmerie permit de créer la rue Léon-Schwartzenberg, dont le tracé adopte celui du chemin de ronde de l’ancienne prison. La nouvelle rue contourne l’actuel « jardin Saint-Lazare », accessible par un petit passage couvert, et rejoint la Cour de la Ferme Saint-Lazare.
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