L’église Saint-Vincent-de-Paul (1824-1859)
Place Franz-Liszt
La façade principale
En 1804, l’établissement d’une nouvelle paroisse fut accordée aux quartiers nouveaux apparus au nord de la capitale. Un premier édifice fut alors bâti sur un terrain faisant partie, jusqu’en 1793, des dépendances de l’ancienne maison Saint-Lazare. Face à l’expansion du quartier du Faubourg-Poissonnière et à l’accroissement de la population, cette chapelle assez modeste, érigée en bordure de la rue Montholon, se révéla insuffisante. Elle fut, au terme de vingt ans, remplacée par une véritable église, conçue par l’architecte Jean-Baptiste Lepère, qui sollicita l’aide de son futur gendre, Jacques-Ignace Hittorff.
Un tout autre site, situé dans l’axe de la rue d’Hauteville, fut choisi pour l’implantation de l’édifice : le sommet d’une butte, où Vincent de Paul, selon la légende, aimait se retirer. La cérémonie de pose de la première pierre eut lieu en 1824, mais les travaux avancèrent lentement jusqu’en 1830. Ils s’interrompirent provisoirement, avant de reprendre en 1831.
Selon le goût de l’époque, l’église Saint-Vincent-de-Paul adopta un plan basilical : elle est ainsi dotée d’une nef, dépourvue de transept, mais de bas-côtés et de chapelles latérales. La nef est par ailleurs coiffée d’un plafond à double pente, soutenu par une charpente apparente.
Dessinée par Hittorf, la façade principale de l’église Saint-Vincent-de-Paul révèle des influences multiples. Le portique monumental de douze colonnes cannelées à chapiteau ionique, à l’aspect relativement sévère, se réfère par exemple aux temples grecs.
La façade, flanquée de deux tours carrées assez massives, évoque plutôt l’église de la Trinité des Monts, bâtie à Rome, sur le mont Pincio. Ces deux tours, couronnées d’une balustrade ajourée, reposent sur un soubassement, dont les angles sont décorés de pilastres doriques, et sur un niveau intermédiaire, orné de niches à sculpture et de pilastres corinthiens. La base des tours porte une horloge à cadran et leur dernier étage est percé de hautes fenêtres jumelées.
De la même manière que la Trinité des Monts, l’église Saint-Vincent-de-Paul est précédée de rampes à balustres de pierre et d’un escalier monumental gravissant la butte jusqu’au portique.
La façade principale de l’église Saint-Vincent-de-Paul, vue de la rue Bossuet
Conçues à l’origine pour permettre aux calèches d’accéder à l’église, ces rampes enserrent désormais le square Aristide-Cavaillé-Coll. De part et d’autre, les rues Bossuet et Fénelon, percées en 1827, permettent de rallier la place Franz-Liszt à la rue de Belzunce, en rattrapant la différence de niveau par le moyen d’un escalier de plusieurs marches.
Le fronton et son décor sculpté
Le portique de l’église Saint-Vincent-de-Paul est couronné d’un fronton pointu, dont les rampants sont décorés d’une frise de palmettes et la pointe, surmontée d’une croix. Il renferme plusieurs figures en ronde-bosse détachées sur un fond de pierre.
Ce décor composé par Charles-François Nanteuil-Lebœuf (1792-1865) représente La Glorification de saint Vincent de Paul : le sculpteur a disposé, autour de la figure centrale du saint patron, les anges de la Foi et de la Charité. A droite, une dame de la noblesse présente les Filles de la Charité, accompagnées d’enfants pauvres. A gauche, un prêtre intercède en faveur d’un galérien et d’un barbaresque.
Quatre figures d’évangélistes se dressent sur le parapet de la terrasse ou « balcon », qui s’étend entre les tours de l’église, selon un dispositif qui s’inspire probablement du modèle italien.
Le décor en lave émaillée de la façade principale
Sous le portique, la porte d’entrée, particulièrement remarquable, est l’œuvre du sculpteur et médailleur Jean-Baptiste Farochon (1812-1871), ancien élève de David d’Angers. Encadrée d’une épaisse moulure à motifs végétaux et couronnée d’un petit entablement, elle porte la figure des douze apôtres sur ses vantaux et celle du Sacré-Cœur, au niveau de l’imposte.
saint Jude-Thaddée
Parmi les figures d’apôtres, saint Jude Thaddée, nimbé et vêtu d’une tunique à l’antique, serre quatre flèches, peut-être en allusion à son martyre (une tradition rapporte que saint Jude, cloué à une croix, aurait été tué coups de flèches, de piques ou de bâton) ou à son talent d’orateur (on disait que ses paroles, semblables à des flèches, perçaient le cœur de ceux qui l’écoutaient).
Pour la porte d’entrée et le mobilier de l’église (grilles, fonts baptismaux, candélabres), Hittorff fit le choix de la fonte peinte, moins onéreuse que le bronze. Il s’adressa à l’industriel Christophe-François Calla, dont les ateliers étaient installés dans le faubourg Poissonnière depuis la fin du XVIIIe siècle.
Défenseur d’une architecture polychrome, Hittorff voulait recouvrir une grande partie de la façade de l’église Saint-Vincent-de-Paul de scènes narratives en couleur. Il s’intéressa à l’art naissant de la peinture émaillée sur plaque de lave volcanique et sollicita Pierre-Jules Jollivet (1794-1871). Celui-ci créa, entre 1845 et 1859, sept premiers panneaux illustrant des scènes de la Création du monde à la Passion du Christ.
Jugées inconvenantes en raison de la nudité de certains personnages (figurant pourtant Adam et Ève…), les plaques émaillées de Jollivet furent, à la demande des paroissiens, enlevées en 1861. Déposées et oubliées dans un dépôt de la Ville de Paris, elles ont été restaurées et remises en place, selon le plan initial établi par Hittorff.
La façade ouest
Les façades latérales de l’église Saint-Vincent-de-Paul présentent le mur des bas-côtés et celui de la nef, élevé en retrait ; tous deux agrémentés du même décor de pilastres cannelés à chapiteau dorique. De grandes fenêtres rectangulaires, couronnées d’un entablement, et de petites fenêtres carrées, percées aux extrémités, animent chaque niveau.
Les deux façades latérales sont par ailleurs précédées d’un jardinet planté de buissons et d’arbustes, qui s’étend derrière une grille de fer.
La porte latérale de la façade ouest
Deux portes d’entrée secondaires permettent, au-delà de quelques marches, d’accéder à l’église par le déambulatoire. Ces portes s’insèrent dans d’épaisses moulures bordées d’un rang de perles et de feuilles d’eau, qui contiennent des motifs de grappes de raisin et d’épis de blé. Elles sont couronnées d’un entablement sur consoles à feuille d’acanthe et tête figurée.
La rigueur géométrique de l’architecture extérieure, avec ses volumes qui s’emboîtent strictement, confèrent à l’église Saint-Vincent-de-Paul une certaine gravité solennelle, nuancée par de discrets éléments de décor.
La corniche supérieure est ainsi encadrée de frises ornementales composées de palmettes, culots, chapelets et feuilles d’eau. A la base de la toiture, une frise de palmettes court autour de l’édifice et se poursuit autour du chevet, dont l’abside forme un « cylindre » en saillie sur le mur.
La nef
La nef de l’église Saint-Vincent-de-Paul comprend deux niveaux, séparés par un large bandeau peint. Des colonnes lisses à chapiteau ionique délimitent, au rez-de-chaussée, les bas-côtés, jusqu’à l’arc triomphal, qui marque l’entrée du chœur. Des colonnes à chapiteau corinthien bordent les vastes tribunes de l’étage, qui reçoivent le jour des grandes fenêtres rectangulaires.
Le chœur est voûté d’un large cul-de-four, sur lequel François-Édouard Picot (1786-1868) a peint à la cire, sur fond d’or, un Christ en majesté entouré d’anges.
Le baldaquin et le calvaire du maître-autel
Le maître-autel est magnifié par un grand baldaquin en bois sculpté et doré, qui surplombe un Calvaire que le sculpteur François Rude (1784-1855) acheva quelques années avant sa mort. De part et d’autre du Christ en croix, l’artiste a disposé, comme il se doit, la Vierge Marie, empreinte d’une tristesse résignée, et Jean, qui présente un visage de colère, tout en joignant les mains en signe d’espérance. Deux anges, agenouillés à gauche et à droite, sont représentés en prière.
Pour cette œuvre qui devait frapper l’œil du fidèle, l’architecte recommanda l’usage du bronze. Le soubassement du maître-autel est en revanche décoré d’un relief en bois doré représentant La Cène, composé par Astyanax-Scévola Bosio (1793-1876).
Hippolyte Flandrin (1809-1864)
La frise des processions, 1848-1853, peinture à la cire sur fond d’or, Paris, église Saint-Vincent-de-Paul
Sur le bandeau correspondant au muret de la tribune, Hippolyte Flandrin a peint deux processions de saints et de saintes se faisant face. Il employa, comme Picot, la technique nouvelle de la peinture à la cire sur fond d’or. Ces deux processions comprennent deux-cent-trente-cinq personnages, regroupés par thèmes, qui convergent vers le Christ en majesté du chœur. Chaque personnage est auréolé à la manière byzantine et associé à l’inscription de son nom.
Du côté de l’entrée, la frise débute par les figures de saint Pierre et saint Paul, évangélisant les peuples d’Orient et d’Occident. Du côté de l’arc triomphal, la frise illustre les différents sacrements. C’est Picot qui exécute la portion du décor située sous le cul-de-four.
Sous le plafond de la nef, la frise de l’étage est décorée de médaillons renfermant les bustes de papes, d’évêques et d’anges qui se détachent sur un fond azur.
Le bas-côté droit et le déambulatoire situé dans son prolongement
De semblables colonnes lisses à chapiteau ionique bordent les chapelles latérales, clôturées d’une grille de fonte peinte et éclairées par de hautes fenêtres, dont les vitraux aux couleurs chatoyantes renouent avec la tradition médiévale. Pour parvenir à ce résultat, le peintre-verrier Charles-Laurent Maréchal et son collaborateur Gugnon employèrent des émaux opaques en couches superposées.
Chaque vitrail présente la figure d’un saint ou celle d’une sainte, entourée d’une bordure en grisaille, ainsi que plusieurs scènes de la vie de Jésus. Réalisés en 1843-44, les vitraux des chapelles contribuent à la relative obscurité régnant dans toute l’église.
Le déambulatoire contourne le chœur et dessert, selon l’usage, une chapelle axiale dédicacée à la Vierge Marie. Le volume de cette chapelle, agrandie par Édouard Villain en 1869, est considérable. Coiffée d’un plafond à trois pans, percé d’une minuscule verrière, la chapelle de la Vierge est souvent plongée dans l’obscurité, malgré la présence de grandes fenêtres latérales.
Une abside voûtée en cul-de-four creuse le mur du fond : elle abrite une étonnante Vierge présentant à bout de bras l’Enfant Jésus, que le sculpteur Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824-1887) avait envoyée à l’Exposition Universelle de 1867. Son succès a été tel que l’Empereur Napoléon III l’acheta et l’offrit à l’église Saint-Vincent-de-Paul.
Les murs latéraux de la chapelle de la Vierge sont ornées de huit toiles marouflées, réalisées, entre 1881 et 1889, par William Bouguereau (1825-1905). Financées par les paroissiens, ces peintures illustrent des scènes de la vie de la Vierge.
Le plafond du bas-côté gauche
Les bas-côtés sont couverts d’un plafond plat à caissons carrés, dans lesquels s’insèrent un octogone orné d’une grande rosace. Le plafond des chapelles latérales est en revanche à double pente, tout comme celui de la nef.
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